Le traitement et le suivi des patients souffrant d’insuffisance cardiaque restent un défi en pratique. L'insuffisance cardiaque est généralement une maladie chronique. L'évolution de la maladie est caractérisée par des périodes de déstabilisation des symptômes de l'insuffisance cardiaque (décompensation cardiaque, insuffisance cardiaque aiguë) et des périodes d’ état clinique stable après traitement (insuffisance cardiaque chronique). L'objectif est d'obtenir le meilleur contrôle possible des symptômes, de préférence sans rétention d'eau (euvolémie) et avec des paramètres vitaux stables (poids, tension artérielle et fréquence cardiaque). De nombreux facteurs peuvent perturber cet équilibre et entraîner une augmentation de la pression intracardiaque et/ou une rétention hydrique (décompensation cardiaque ou insuffisance cardiaque aiguë), avec ou sans nécessité d'hospitalisation. L'évolution de la maladie de ces patients est donc caractérisée par des fluctuations de l'équilibre hydrique, du poids, de la tension artérielle, de la fréquence cardiaque, de la fonction rénale, de l'équilibre ionique, etc. Le développement d'une décompensation cardiaque se manifeste souvent quelques jours à l'avance par des modifications de symptômes et des paramètres vitaux. La surveillance de ces paramètres à domicile et la détection rapide des modifications de ces paramètres peuvent conduire à des ajustements rapides du traitement, ce qui peut parfois éviter une détérioration supplémentaire et des hospitalisations.
En outre, les patients atteints d’insuffisance cardiaque présentent souvent de nombreuses autres comorbidités qui, si elles ne sont pas détectées et correctement traitées, entraîneront une morbidité, des hospitalisations, voire une surmortalitéte. Les nouveaux problèmes possibles pouvant survenir lors du suivi des patients atteints d'insuffisance cardiaque comprennent l'hypotension, les arythmies cardiaques (FA, bradycardie, etc.), la déshydratation, l'insuffisance rénale, les troubles ioniques, l'anémie, la carence en fer, etc. De nouveaux problèmes doivent être détectés dans en temps opportun et traités correctement.
A terme, l'insuffisance cardiaque entraîne souvent une dégradation de l'état cardiaque et général du patient. La vitesse de cette évolution varie considérablement d’un individu à l’autre.
Le traitement de l’insuffisance cardiaque continue d’évoluer et devient de plus en plus vaste et complexe. Les lignes directrices de la Société Européenne de Cardiologie (ESC) sont régulièrement mises à jour sur base de nouvelles connaissances et traitements. Ces lignes directrices sont rédigées par et pour des cardiologues. Cependant, un même patient insuffisant cardiaque est généralement suivi et traité par plusieurs médecins. Tous les médecins ne peuvent pas se tenir au courant des directives les plus récentes sur le traitement de l'insuffisance cardiaque. Les registres montrent depuis des années que la mise en œuvre des directives internationales dans la pratique reste souvent inférieure aux normes. La mise en œuvre pratique de ces lignes directrices est donc souvent difficile et dépend de nombreux facteurs (éducation des médecins, des prestataires de soins et des patients, suivi de tension artérielle, fréquence cardiaque, fonction rénale, etc.). Les patients souffrant d'insuffisance cardiaque avec une FEVG réduite (HFrEF) en particulier doivent donc être suivis par un cardiologue possédant une expertise supplémentaire dans le traitement de l'insuffisance cardiaque. En outre, une approche multidisciplinaire bien organisée est nécessaire, dans laquelle tous les prestataires de soins suivent les mêmes lignes directrices. Il existe un besoin pour une source d'information qui puisse présenter les lignes directrices de l'ESC et donc le traitement optimal actuel de l'insuffisance cardiaque à tous les médecins dans une version accessible, compréhensible et conviviale. Des conseils pratiques doivent également être prodigués pour aborder certains problèmes chez ces patients (que faire en cas par exemple d'insuffisance rénale, de troubles ioniques, de décompensation cardiaque, d'hypotension, de déshydratation, etc. ?). Les médecins, tant à l'hôpital qu'à l'extérieur, peuvent trouver rapidement des conseils fiables et des réponses à leurs questions.
Cependant, la plupart du temps, le patient n’est pas hospitalisé, il est donc nécessaire de créer une continuité fluide et de qualité entre les prestataires de soins à domicile et à l’hôpital. Cette prise en charge transmurale est essentielle depuis le diagnostic de l’insuffisance cardiaque jusqu’au stade terminal de la maladie. Il existe un besoin de conseils concrets et d'instructions pratiques pour tous les médecins impliqués dans le suivi des patients atteints d'insuffisance cardiaque, depuis les cardiologues, les médecins généralistes, les gériatres jusqu'à chaque médecin qui traite le patient. Le rôle du médecin généraliste doit être clairement défini, tout comme celui de l'infirmière spécialisée en insuffisance cardiaque et celui de toute télésurveillance.
Selon le stade de la maladie, il existe des points à bien identifier chez les patients souffrant d'insuffisance cardiaque.
Il faut distinguer trois phases :
1) La phase de transition.
Ce sont les premières semaines après une hospitalisation pour insuffisance cardiaque. L'état du patient n'est pas encore stable et le traitement n'est souvent pas encore optimal. Une étroite surveillance et une titration des médicaments sont alors nécessaires. Au cours de cette phase, le risque de réadmission à l’hôpital ou de décès est accru.
2) La phase chronique ou phase plateau
Après stabilisation, le patient doit être étroitement surveillé pour s’assurer que :
3) Insuffisance cardiaque avancée ou insuffisance cardiaque terminale.
Dans cette phase, l’insuffisance cardiaque met la vie en danger et le pronostic est sombre. Il faut ensuite déterminer si le patient est toujours admissible à une transplantation cardiaque et/ou à un DAVG. Si ce n’est plus le cas, des mesures de soutien et palliatives appropriées doivent être prises en mettant l'accent sur le confort du patient.
L'organisation du suivi et des soins des patients atteints d'insuffisance cardiaque est complexe et souvent difficile dans la pratique car l'évolution de l'insuffisance cardiaque peut être très dynamique et parce que de nombreux patients atteints d'insuffisance cardiaque ont un profil légèrement différent. De nouveaux problèmes peuvent toujours surgir, qu’ils soient cardiaques ou non. De ce fait, la thérapie doit toujours être adaptée à l'évolution et aux paramètres spécifiques de chaque patient (tension artérielle, fréquence cardiaque, rétention d'eau ou non, fonction rénale, ionogramme, FA ou non, etc.). Les soins aux patients souffrant d’insuffisance cardiaque constituent donc un continuum.
Pour parvenir à cette continuité de soins optimaux, il existe 3 piliers importants :
Les fonctions de ces 3 piliers se chevauchent et sont complémentaires. Ensemble, ils forment un continuum et fournissent des soins structurés de haute qualité au patient souffrant d'insuffisance cardiaque.
Les médecins ne sont pas les seuls à jouer un rôle crucial dans le suivi des patients souffrant d’insuffisance cardiaque. Le patient n'est généralement ni à l'hôpital ni chez le médecin. Le patient lui-même ainsi que sa famille ou ses amis sont présents à ses côtés et sont donc cruciaux pour le suivi. Une formation suffisante et des directives pratiques concernant la surveillance des paramètres (poids, tension artérielle, fréquence cardiaque), des symptômes, l'utilisation des médicaments, les conseils diététiques, la vie avec une insuffisance cardiaque, etc. sont donc très importantes. De la sorte, les changements dans l'état clinique peuvent être détectés et traités rapidement, le patient peut réagir et gérer correctement sa maladie. Ces soins personnels et cette autogestion consistant à comprendre son état et à le gérer, à se contrôler et identifier quand il doit appeler pour une consultation ou une aide supplémentaire sont essentiels.
De plus, ces patients sont souvent suivis par d’autres prestataires de soins tels que des infirmières, des professionnels de santé, des pharmaciens, des physiothérapeutes, des diététistes et des psychologues. Il est important que chaque prestataire de soins impliqué surveille tous les symptômes d'alarme, le mode de vie, l'utilisation de médicaments et d'autres questions et qu'ils fournissent tous les mêmes conseils corrects. Une éducation et des lignes directrices concrètes pour tous ces prestataires de soins de santé sont donc également nécessaires.
La gravité de la maladie, son caractère chronique avec des exacerbations fréquentes et son atteinte multiviscérale nécessitent une coopération étroite entre les différents prestataires de soins à domicile (soins extra-muros) et à l'hôpital (soins intra-muros). De plus, il a été démontré qu’un tel programme de soins de l’insuffisance cardiaque offre une nette valeur ajoutée pour un traitement efficace de l’insuffisance cardiaque avec une amélioration de la qualité de vie et du pronostic du patient avec moins d’hospitalisations et une meilleure espérance de vie. Une réduction des hospitalisations entraîne également d’importantes économies pour la société.
Les directives internationales recommandent donc que les patients atteints d'insuffisance cardiaque soient suivis dans le cadre d'un programme de soins multidisciplinaire qui place le patient au centre et où le patient est traité par des prestataires de soins bien formés et compétents et où l'autogestion du patient est encouragée (recommandation ESC 2021, classe recommandation IA). Un tel programme devrait contenir les éléments suivants :
De nombreuses complications peuvent survenir chez un patient souffrant d’insuffisance cardiaque, ce qui fait par excellence de l’insuffisance cardiaque une maladie qui mérite un parcours de soins. Cela a déjà été reconnu dans un texte de consensus du RIZIV du 27 novembre 2008. En 2024, ce n’est toujours pas le cas. De nombreux hôpitaux mènent depuis des années leurs propres projets pour améliorer les soins liés à l’insuffisance cardiaque. Cependant, ceux-ci restent locaux et incomplets. Il existe donc un réel besoin pour un parcours de soins uniforme de l'insuffisance cardiaque dans lequel tous les aspects du suivi multidisciplinaire sont développés dans le but de structurer et d'uniformiser des soins de plus en plus complexes.
Partant de ce besoin d’une meilleure collaboration entre médecine de première ligne et médecine secondaire, une première version du parcours de soins transmural de l’insuffisance cardiaque a été développée par le Dr. David Derthoo (service de cardiologie AZ Groeninge à Courtrai) en Flandre du Sud et du Centre-Ouest sur la base des directives ESC de l’insuffisance cardiaque 2016. À la demande des médecins généralistes, tous les hôpitaux environnants ont été impliqués pour parvenir à une approche uniforme dans la région. D’autres prestataires de soins de santé étaient également impliqués. Cette première version est mise en pratique depuis mai 2017 dans la région Flandre Sud et Centre-Ouest. Un organigramme pour le suivi des patients atteints d'insuffisance cardiaque a été présenté, complété par des directives pratiques destinées aux médecins généralistes concernant le traitement médicamenteux approprié, la séquence des consultations, les éléments à surveiller, le moment pour contrôler les biologies et comment réagir devant les anomalies sanguines... Cette information a été imprimée dans un livret et distribuée à tous les médecins généralistes de la région. Des recommandations ont également été élaborées à l'intention des infirmières à domicile et des pharmaciens. Grâce à une formation dispensée par des infirmières et des médecins spécialisés dans l'insuffisance cardiaque, une brochure d'information et un journal de l'insuffisance cardiaque (dans lequel le patient surveille son poids, sa tension artérielle et sa fréquence cardiaque) ont vus le jour, l'objectif est d'améliorer la compréhension de la maladie et l'autosurveillance du patient et de son environnement (autonomisation). Dans cette version, une attention particulière a été portée aux soins transmuraux.
Une mise à jour des recommandations de l’insuffisance cardiaque a été publiée par l’ESC en septembre 2021 et 2023. Sur cette base, une mise à jour du parcours de soins a été réalisée, plus poussée pour certains aspects, tels que :
En collaboration avec le Groupe de travail belge sur l'insuffisance cardiaque (BWGHF) et le Centre académique de médecine générale de Louvain (Dr Miek Smeets), le parcours de soins a été développé au niveau national depuis fin 2021. Parallèlement, une mise à jour des recommandations destinées aux médecins généralistes de la Domus Medica pour le traitement de l'insuffisance cardiaque a été lancée, avec une publication en 2024, la version précédente datant de 2011. Le parcours de soins de l'insuffisance cardiaque est complémentaire et parallèle à cette nouvelle ligne directrice.
Les informations sur le parcours de soins doivent être rapidement accessibles, clairement présentées et mises à jour si nécessaire. C'est pourquoi ce parcours de soins a été converti sur ce site Internet, en 3 langues (néerlandais, français et anglais).
Tout patient diagnostiqué avec une insuffisance cardiaque, indépendamment d'un enregistrement spécifique ou de la tenue d’un journal d'insuffisance cardiaque. L'agenda est une aide, mais pas une nécessité dans le suivi d'un patient insuffisant cardiaque selon ce parcours de soins. Lire ci-dessous : Ressources pour le parcours de soins.
Tout médecin ou professionnel de la santé qui surveille et traite des patients souffrant d'insuffisance cardiaque. Les patients et leur entourage trouveront également sur ce site des conseils pratiques, ainsi que des liens utiles vers d'autres sites Internet pertinents.
Ce parcours de soins poursuit les objectifs suivants :
Les conséquences attendues sont les suivantes :
Ce parcours de soins contient des orientations et des conseils pratiques pour la décision médicale et l'organisation des soins des patients insuffisants cardiaques. Le protocole est exploratoire et indicatif, ni contraignant ni obligatoire. Le médecin traitant reste responsable du bon suivi et du traitement de chaque patient. L'application maximale des directives internationales est de plus en plus utilisée comme indicateur de qualité.
L'objectif de ce site Internet est de rendre accessible de manière plus claire le texte détaillé de ce parcours de soins à chaque prestataire de soins et à chaque patient ou personne concernée, sans avoir à l'imprimer sous forme de livret ou de brochure. Les informations souhaitées peuvent être rapidement trouvées depuis la page d'accueil. Le contenu sera continuellement adapté à l'avenir en fonction de l'évolution des connaissances scientifiques et des nouveautés thérapeutiques.
Ce site Internet complète les sites Internet existants www.heartfailure.be et www.heartfailurematters.org. Ces sites s'adressent principalement aux patients. Ce parcours de soins et ce site Internet s'adressent essentiellement à tous les prestataires de soins, mais également aux patients avec des informations et des conseils pratiques, pédagogiques, complétés par des liens vers les 2 autres sites Internet.
Les outils cruciaux pour le suivi et l’éducation des patients souffrant d’insuffisance cardiaque chronique sont :
Si disponible, celui-ci peut être remplacé par une version numérique dans laquelle les paramètres du patient sont suivis via une application ou un autre système et/ou transmis, entre autres à l'infirmière spécialisée en insuffisance cardiaque .
L'utilisation du journal est particulièrement utile pour les patients qui doivent prendre des diurétiques de manière chronique, ont des fluctuations de l'équilibre hydrique avec nécessité d'une utilisation dynamique de diurétiques, ont une tension artérielle basse, etc. Certains patients répondent favorablement au traitement et sont stables et peu symptomatiques, sans avoir recours à un diurétique en chronique. L'expérience montre qu'après un certain temps, il devient plus difficile de motiver ces patients à tenir un journal. Ces patients doivent être incités à vérifier régulièrement leurs paramètres.
Le livret d'information peut de plus en plus être remplacé par une version numérique, comme par exemple :